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Relais Saint-Martin : draper d'un manteau de confiance

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À l'Isle-Adam, tranquille bourgade francilienne, des paroissiens ont monté un formidable réseau d'entraide en faveur des plus démunis. Ce faisant, ils ont mobilisé toute la ville et leur énergie essaime dans les communes voisines. Les idées géniales sont parfois les plus simples, dit-on : illustration avec ce jeune membre du réseau Saint-Laurent, le Relais Saint-Martin.

C'est une charmante ville de banlieue parisienne (95) dont les superbes villas à tourelles rappellent qu'elle fut lieu de villégiature de la noblesse française. Des pauvres à l'Isle-Adam ? Pensez-vous ! Pourtant, autour de la table ouverte chez Corinne et Bruno chaque lundi midi depuis plus d'un an, des Adamois racontent des années chiches, vécues dans la rue, mais aussi comment elles ont retrouvé dignité, boulots, logement et surtout des amis et une famille au travers du Relais Saint-Martin (RSM). Un vieillard maltraité par son fils mis à l'abri ; des mères seules ne voyant que la prostitution pour boucler leur budget qui ont trouvé quelques heures de ménages ou de couture, etc. ; une ex-journaliste au chômage qui a retrouvé un emploi : variées sont les situations auxquelles fait face le Relais.

Un réseau de solidarité local

Le Relais ? Pas une association, encore moins une institution, mais un mouvement de la paroisse Saint-Martin créé afin d'aider des voisins dans le besoin. Coordonnés par les dix membres de l'équipe de pilotage du RSM, les bénévoles (quelque 300 habitants de l'Isle-d'Adam ou de Parmain) offrent diverses coups de mains ponctuels :

  • accompagner à l'hôpital, au parloir d'une prison ou dans une administration,
  • garder un enfant,
  • préparer des repas pour une famille quand une maman a des soins douloureux,
  • déboucher l'évier d'une personne âgée qui ne peut payer le plombier,
  • négocier auprès d'une banque une baisse des agios,
  • etc...

    « Les citadins n'ayant pas forcément beaucoup de temps, nous invitons à offrir selon les compétences, simplement en élargissant un peu plus leur activitéà ceux qui ne pourrait normalement pas y prétendre », explique Corinne, qui tisse ce réseau avec énergie.

En réalité, c'est toute la ville qui s'active :

  • de nombreux professionnels mettent gratuitement ou à des prix très compétitifs leurs talents et leurs produits au service des plus défavorisés (médecins et professions paramédicales, coiffeur, patronne de cinéma, magistrate, etc.) ;
  • les tables du Nouvel An sont abondés par les commerçants ;
  • des bénévoles ouvrent leur maison secondaire pour des week-ends en commun ;
  • les écoliers adamois offrent leurs dessins à des personnes qui ne fêtaient plus leur anniversaire ;
  • des lycéens recherchent autour d'eux téléphones portables, sacs à dos ou baskets à donner ;
  • les seniors des maisons de retraite tricotent ;
  • les prêtres de la paroisse se rendent disponible à toute heure pour une écoute, un réconfort, un sacrement du pardon...

Aux origines : évangélisation sur un parking

Pas de pauvres à l'Isle-Adam ? En mai 2009, le Guy-Emmanuel Cariot envoie les paroissiens de l'église Saint-Martin évangéliser dans la rue. Corinne se voit confier le parking du supermarché pour périmètre de mission. « Une vingtaine de personnes, des hommes et des femmes passaient là leur journée avec une cannette à la main et un joint à la bouche. Certains vivaient sous des porches d'immeuble, dans des habitations délabrées le long de l'Oise, des cabanes dans la forêt, dans une voiture abandonnée », raconte-t-elle avant de souligner que l'accueil a été très bon. Ces sans-abris ne touchent ni CMU ni RSA, n'obtiennent pas de domiciliation, n'ont pas même accès aux produits de la banque alimentaire. « Les services sociaux leur répondaient qu'ils ne le méritaient pas. En outre, le retard avec lequel ces Adamois - sans montre ni moyen de transport - arrivaient à leur rendez-vous était souvent rédhibitoire. »
Formée par le Secours Catholique pour faire face aux réalités de la rue et rejointe par d'autres, forte du soutien inconditionnel de son curé, Corinne les aide à faire valoir leurs droits. L'idée de créer un réseau de solidarité germe peu à peu, le Relais Saint-Martin voit le jour fin 2011.


Foi et confiance

Depuis deux ans, la maison de Corinne et Bruno est grande ouverte quand la confiance s'est instaurée avec une personne rencontrée. « On m'a dit que j'étais folle de donner notre adresse à des personnes ayant vécu dans l'exclusion ou présentant un lourd passé judiciaire, mais un des trois grands principes du RSM est justement la fraternité, raconte Corinne. De ce fait, l'anonymat n'est pas de mise ici : au contraire, chacun connaît non seulement le nom des bénévoles du Relais Saint-Martin et a ses coordonnées. » Deux autres grands principes meuvent le mouvement : si la chrétienté n'est pas cachée, si les bénévoles agissent au nom de leur foi, chacun peut être accueilli par le réseau, quel que soit son origine, sa religion, son âge, etc.

Foi ou pas, les parcours spirituels sont parfois bien difficiles à démêler des progressions sociales et matérielles. Ainsi de B., alcoolisé sur le parking de supermarché. Lorsque Corinne et son mari le saluent avant de rejoindre l'église pour une veillée d'adoration eucharistique, il leur demande de se joindre à eux. Corinne est inquiète : la veillée est silencieuse et B. bien abreuvé. Il rétorque que personne ne peut l'empêcher d'entrer dans une église. Touché devant le Saint Sacrement, B. se convertit. Immédiatement, il décide d'arrêter de boire. Depuis, il a retrouvé du boulot : le directeur d'école assis à ses côtés le soir du réveillon organisé par le RSM lui a donné sa chance.

Cette confiance accordée pourrait être la graine d'où a émergé le réseau. Lorsque Corinne a entamé ses visites sur le parking du supermarché, d'aucuns se sont interrogés : « Que nous veux-tu ? Nous ne sommes pas du même monde ! » Alors cette habitante d'une maison cossue s'est racontée : l'enfer de la came pendant 20 ans et comment des mains tendues d'hommes d'église l'en ont rescapée. « En tant que rescapée, je voulais qu'ils sachent qu'il est possible de s'en sortir, et que je serai là lorsqu'ils seraient prêts pour cela. »

Depuis, le RSM a multiplié les occasions de mélanger les Adamois sans problèmes économiques et « ceux en galère » : repas organisés trois fois par an auxquels sont invités tous les paroissiens, les réveillons du Nouvel an, les goûters d'anniversaire ou les ateliers créatifs. « Là, autour d'un repas les uns et les autres apprennent à se connaître, à se reconnaître, témoigne Corinne. Des barrières sont tombées , celles de la peur, du jugement, de la suspicion... Quand les uns et les autres se recroisent dans la rue, ils échangent spontanément de nouveau. »


Devenir veilleur

Appeléà témoigner dans les communes voisines, le Relais Saint-Martin a beau être très dynamique, la tâche ne manque pas : « La crise amène de nouvelles populations en difficulté. Il faut savoir regarder, écouter. Nous n'assurons pas de permanence dans un bureau mais nous allons au devant des personnes, dans les lieux de squat, les terrains de camping, au bas des HLM , à la fin du marché. Nous échangeons, nous nous rendons proches d'elles et nous proposons notre amitié et notre aide concrète, nous donnons nos coordonnées personnelles pour qu'elles puissent nous rappeler librement et elles le font ! » En paroisse, le père Guy Emmanuel invite chacun àêtre veilleur.

A terme, le réseau espère disposer d'un lieu à lui, de cette auberge (« ce relais ») où chacun pourrait poserait poser ses valises. Pour l'instant,

  • un garage prêté par un prêtre permet de stocker quelques vêtements de dépannage ;
  • une salle paroissiale d'organiser repas solidaires ou les cafés-rencontre ;
  • le bistrot du coin de discuter lors d'une première entrevue ;
  • le presbytère héberge les réunions hebdomadaires de l'équipe de pilotage du RSM.

« Je n'ai besoin de rien, s'escrime à dire Jean à Corinne devant le pantalon qu'elle lui propose, simplement d'un repas convivial comme celui que nous venons de partager ! » De Saint Martin (316-397), légionnaire romain devenu évêque, nous ne retenons que cette moitié de manteau donnée à un homme grelottant, alors que l'homme offrit bien plus, toute sa vie durant.

Un exemple pour d'autres paroisses ?
« L'évêché suit cette initiative de paroissiens de près. Pour autant, si nous faisons venir témoigner les membres du relais Saint-Martin dans les différentes communes, nous ne voulons pas appliquer cette idée ailleurs en l'état : c'est aux communautés doivent elles-mêmes construire leur projet en fonction des réalités locales. »
Gilbert Lagouanelle, déléguéépiscopal à la Diaconie du diocèse de Pontoise (95)

Le RSM et le réseau Saint-Laurent
« Nous ne connaissions pas le réseau Saint-Laurent, jusqu'au jour où nous nous sommes rendus à Nevers, lors d'un week-end de théologie pastorale en décembre 2011. Puis deux pèlerinages à Lourdes en commun août 2012 et rassemblement diaconia 2013 ont resserré les liens. Nous espérons bien que le réseau pourra nous soutenir, nous aider à nouer des contacts, nous donner des nouvelles idées. »
Corinne C.


Fraternité

« Le RSM ne désire pas se substituer aux services sociaux et aux organismes compétents. Ils font leur travail et souvent très bien mais n'ont pas le temps de poser un geste fraternel, de prendre le temps d'écouter et de rendre visite, d'accompagner fraternellement ces personnes. »

« Dès le début j'ai compris que toutes ces personnes n'étaient pas des personnes à aider, encore moins des dossiers à traiter mais des personnes à aimer de tout notre cœur ! Elles font maintenant partie du groupe de nos amis : nous avons plaisir à nous retrouver, partager un repas, jouer de la musique, partir en week-end, etc. Nous nous battons pour elles comme nous nous battrions pour aider un membre de notre famille. Nous ne faisons plus attention aux gueules cassées, aux sourires édentés, aux cicatrices et tatouages, au langage "pas toujours choisi". Nous les aimons en vérité et ils nous aiment en vérité. Si nous mettons toute notre énergie pour les aider, ils mettent toute leur énergie pour nous aimer et nous rendre service. »
Corinne C.

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